Le changement climatique progresse : en 2024, pour la première fois, la température moyenne mondiale a dépassé de plus de 1,5 °C la valeur de référence de la période préindustrielle (1850–1900). Cette valeur a été définie dans l’Accord de Paris sur le climat de 2015 comme le seuil critique pour éviter les impacts les plus graves du changement climatique. Même si la moyenne sur cinq ans demeure encore en deçà de ce seuil, les effets du changement climatique sont déjà visibles – en particulier en Europe, où les signes se font sentir de manière marquée depuis plusieurs années.
En effet, l’hémisphère nord comporte davantage de masses terrestres que le sud, et celles-ci se réchauffent plus vite que la surface des océans. En Europe, le réchauffement est plus marqué qu’ailleurs : la moyenne sur cinq ans y dépasse nettement les +2 °C par rapport à l’ère préindustrielle depuis 2016.
Les vagues de chaleur, les intempéries et les fortes pluies sont de plus en plus fréquentes et imposent de lourdes contraintes aux bâtiments et aux infrastructures, et les dommages peuvent être considérables. En France, les inondations des 17 et 18 octobre 2024 en offrent une illustration frappante : entre 350 et 420 millions d’euros de dégâts ont été recensés, pour près de 35 000 sinistres déclarés (source : Caisse Centrale de Réassurance). Les inondations catastrophiques de 2021 dans la vallée de l’Ahr, en Allemagne, ont été encore plus dramatiques et ont laissé pour quelque 40,5 milliards d’euros de dégâts – dont seuls 20 % environ étaient couverts par une assurance (source : Prognos).
Au-delà des événements extrêmes, le changement climatique provoque également des transformations chroniques, plus discrètes mais tout aussi préoccupantes. Chaque été, la France subit des canicules plus fréquentes, plus longues et plus intenses, avec des conséquences sanitaires et économiques notables. En parallèle, la hausse durable des températures favorise la formation d’îlots de chaleur urbains, entraînant une augmentation des besoins en climatisation et donc de la consommation énergétique.
Des phénomènes qui étaient autrefois exceptionnels deviennent aujourd’hui presque récurrents. Cette évolution pose une question essentielle : quelle sera l’ampleur des effets du changement climatique sur le parc immobilier français ?
Pour répondre à cette question, Wüest Partner a réalisé une étude en collaboration avec CLIMADA Technologies (pour en savoir plus sur cette collaboration, lire l’article de blog « Risques climatiques dans l’immobilier : coopération avec CLIMADA »). Pour chaque bâtiment en France, cette étude a analysé le risque futur de dommages liés à 6 aléas climatiques : les fortes pluies, les crues, les submersions marines, les tempêtes, les glissements de terrain et les canicules. CLIMADA Technologies utilise pour cela des modèles climatiques qui simulent l’évolution possible du climat sur la base de la situation actuelle. Comme chaque modèle présente des atouts et des limites spécifiques, l’analyse repose sur une combinaison de plusieurs modèles, fondés sur les scénarios climatiques RCP et SSP (voir plus bas), permettant d'obtenir une vision plus robuste et nuancée des risques futurs.
Les modèles climatiques permettent de prévoir l’évolution possible des effets du changement climatique en fonction du scénario d’émissions. Ils se basent sur des équations physiques et modélisent l’atmosphère à l’aide d’une grille tridimensionnelle. Ils calculent ainsi les échanges d’énergie, de masse et d’impulsion entre l’atmosphère, les océans, les terres et les calottes glaciaires. Les facteurs d’influence tels que les gaz à effet de serre, les aérosols ou les changements d’affectation des terrains sont prédéfinis, afin de simuler différents scénarios jusqu’à la fin du siècle en cours.
Les modèles climatiques peuvent aussi inclure dans leurs calculs des hypothèses sur l’évolution future de différents facteurs d’influence. Ces hypothèses sont exprimées à travers des scénarios d’émissions, qui décrivent les trajectoires possibles de l’évolution des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que d’autres facteurs déterminants, tels que les dynamiques sociales, économiques ou politiques.
Le « Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat » (GIEC) est un organe scientifique des Nations unies qui résume et évalue régulièrement l’état de la recherche climatique. Dans son 5e rapport d’évaluation (2014), il utilisait les « scénarios RCP » (Representative Concentration Pathways) pour ses calculs de modélisation. Ces scénarios représentent différentes trajectoires du forçage radiatif. Il s’agit de la modification de l’équilibre énergétique de la Terre causée par les gaz à effet de serre et les aérosols : un excédent d’énergie qui demeure dans l’atmosphère parce que le rayonnement absorbé est supérieur au rayonnement émis.
Les scénarios RCP décrivent différentes trajectoires possibles d’évolution des émissions de gaz à effet de serre, allant d’une action climatique ambitieuse à l’absence de toute limitation des émissions. Le chiffre figurant après l’abréviation indique le forçage radiatif prévu d’ici la fin du siècle.
Les scénarios RCP ne tiennent pas compte de trajectoires de développement social ou économique explicites. C’est pourquoi le 6e rapport d’évaluation du GIEC (2023) recourt aux scénarios dits SSP (Shared Socioeconomic Pathways). À la différence des scénarios RCP, les scénarios SSP incluent des trajectoires narratives pour le développement social, par exemple au niveau de la croissance démographique, de l’éducation, de la consommation d’énergie ou de la coopération internationale.
Les scénarios SSP sont souvent combinés avec les scénarios RCP. Lier ainsi les hypothèses d’émissions (RCP) aux hypothèses socio-économiques (SSP) permet de simuler des scénarios plus réalistes. Par exemple, le scénario SSP1-2.6 est basé sur la combinaison de SSP1 et RCP2.6.
Nous examinons ci-après comment les projections susmentionnées affectent la fréquence et l’intensité de six dangers naturels pertinents pour la France, à savoir :
Ces dangers sont causés par des événements météorologiques extrêmes et touchent directement le parc immobilier français.
Pour les fortes pluies, les submersions marines, les tempêtes, les glissements de terrain et les canicules, nous utilisons trois scénarios : SSP1-2.6 (développement durable, abrégé SSP1), SSP2-4.5 (maintien de la tendance actuelle, abrégé SSP2) et SSP5-8.5 (pire scénario, abrégé SSP5). Pour les crues, nous utilisons les scénarios RCP correspondants (2.6, 4.5 et 8.5) car les données climatiques ne sont pas encore disponibles pour les scénarios SSP.
La résolution spatiale considérée pour les différents risques varie de 90 mètres (crues, submersion marine, glissements de terrain, canicules) à 25 kilomètres (fortes pluies, tempêtes).
La période d’analyse correspond aux années 2030, 2050 et 2080. Les évolutions sont analysées à l’échelle nationale ainsi que départementale pour la France métropolitaine.
Pour classer le risque lié à ces six dangers, nous utilisons une notation spécifique développée par CLIMADA Technologies:
Les précipitations se produisent quand l’air humide remonte, se refroidit et que la vapeur d’eau se condense. Lorsque les gouttelettes d’eau ainsi formées deviennent trop lourdes, elles tombent au sol sous forme de pluie, de neige ou de grêle. Les montagnes renforcent ce processus, car elles obligent les masses d’air à s’élever davantage, entraînant ainsi des précipitations plus fréquentes et plus intenses dans les régions montagneuses. Le changement climatique conduit à un réchauffement de l’atmosphère ; étant donné que l’air plus chaud peut absorber environ 7 % de vapeur d’eau en plus par degré Celsius, cela modifie à la fois la répartition et l’intensité des précipitations.
Dans cette étude, le risque est mesuré par le cumul annuel des précipitations extrêmes, c’est-à-dire celles qui se situent au-delà du 99ᵉ percentile des pluies journalières de référence, exprimé en millimètres par an.
Les fortes pluies peuvent provoquer des crues soudaines, surcharger les canalisations et entraîner des infiltrations d’eau dans les sous-sols et les rez-de-chaussée. Si les systèmes d’évacuation des eaux pluviales, par exemple les gouttières, sont sous-dimensionnés, les toits et les façades peuvent être endommagés. Un contact prolongé avec l’humidité ou l’eau stagnante peut détériorer les fondations, la façade ou l’isolation. Une humidité permanente des murs ou des sols met en danger la structure du bâtiment et augmente le risque de moisissures. En outre, un sous-sol humide peut réduire la stabilité des pentes et déclencher des glissements de terrain, des coulées de boue ou des laves torrentielles. Les conditions locales telles que la pente, la proximité de petits ruisseaux ou le degré d’étanchéité sont donc déterminantes pour le risque individuel d’un bâtiment.
Si l’on prend comme référence la période 1995–2014, les fortes pluies ne représentaient pratiquement aucun danger pour le parc immobilier français : la proportion de bâtiments exposés à un risque élevé ou très élevé (niveaux 4 et 5) était quasiment nulle. À l’avenir, toutefois, la situation pourrait évoluer sensiblement – et ce de manière fortement dépendante des trajectoires d’émissions. Dans un scénario de protection climatique ambitieuse (SSP1), la part des bâtiments exposés ne dépasserait pas 1 % à l’horizon 2080. Si les émissions suivent leur tendance actuelle (SSP2), cette proportion serait environ cinq fois plus élevée. Dans le pire des cas (SSP5), marqué par une forte hausse des émissions, près d’un bâtiment sur six en France (16 %) pourrait alors être confronté à un risque important de fortes pluies.
Dans tous les départements de France métropolitaine, moins de 1 % des bâtiments étaient exposés au risque de fortes pluies dans la période de référence. En 2050, et sous l'hypothèse du scénario SSP2, la menace reste surtout concentrée dans les régions alpines du sud-est. Les valeurs locales y sont toutefois très élevées : près de 30 % des bâtiments en Haute-Savoie, plus de 50 % en Savoie et même plus de 75 % en Hautes-Alpes seraient exposés à un risque élevé ou très élevé. Cette concentration s’explique par l’effet orographique : en franchissant les reliefs alpins, l’air humide est contraint de s’élever, ce qui provoque son refroidissement, la condensation de la vapeur d’eau et, en conséquence, des précipitations plus intenses et plus fréquentes. Dans le scénario SSP5, l’exposition s’étendrait géographiquement à un plus grand nombre de départements. Le Finistère, par exemple, deviendrait une nouvelle zone sensible avec plus de la moitié de son parc immobilier concerné par le risque de fortes pluies.
Face aux risques climatiques, trois types de solutions peuvent être envisagés. Les mesures techniques visent à adapter directement les bâtiments et les infrastructures. Les solutions fondées sur la nature s’appuient sur les écosystèmes pour réduire l’exposition aux aléas. Enfin, les mesures organisationnelles relèvent de la gestion, de la préparation et de la sensibilisation. C’est de la combinaison de ces trois dimensions que naît une véritable résilience.
Pour les précipitations extrêmes, cela signifie par exemple dimensionner correctement les réseaux d’assainissement et de drainage, ou prévoir des bassins de rétention. La désimperméabilisation des sols, la végétalisation urbaine et la restauration des zones humides peuvent constituer des réponses naturelles efficaces. Du côté organisationnel, l’élaboration de plans locaux de gestion des eaux pluviales, la mise en place d’alertes précoces et de protocoles de crise – incluant zones refuges et circuits d’évacuation – permettent de limiter les impacts.
Par crue, nous entendons une montée lente des eaux après une pluie prolongée ou sur une grande surface, ou suite à la fonte des neiges. Les rivières et les grands lacs sont les plus touchés. L’eau monte en quelques heures ou jours et maintient souvent son niveau pendant plusieurs journées. Les crues sont donc généralement prévisibles et touchent souvent de grandes régions. Dans cette étude, le risque est évalué par la fréquence annuelle des crues fluviales dépassant 10 cm de hauteur d’eau, calculée à partir de modèles hydrologiques (ISIMIP et CaMa-Flood).
Les crues peuvent submerger les bâtiments et causer de graves dommages à la structure, aux installations électriques et aux aménagements. L’humidité favorise la formation de moisissures et peut compromettre la capacité de charge des murs et des fondations. Il existe par ailleurs un risque de refoulement dans les égouts et de contamination par des substances nocives ou des eaux usées.
Entre 1985 et 2014, le risque élevé de crues concernait seulement une très faible part du parc immobilier français. Cette proportion réduite s’explique en partie par l’orographie relativement plane de larges parts du territiore français, qui ne contraint pas les constructions à se situer en bord immédiat de cours d’eau ou de lacs. Toutefois, l’urbanisation croissante et l’imperméabilisation des sols, combinées à l’accélération de la fonte des neiges et à des régimes de précipitations plus contrastés, laissent présager une augmentation du risque de crues, au moins localement, au cours des prochaines décennies. Dans le scénario pessimiste (RCP 8.5), près de 0,2 % des bâtiments pourraient être touchés d’ici la fin du siècle. À l’échelle nationale, cette part demeure faible ; mais rapportée aux 27 millions de bâtiments que compte la France, cela représente tout de même environ 50 000 biens potentiellement concernés.
À l’horizon 2050, des foyers d’exposition bien identifiés apparaissent, d’abord en Normandie, en Bretagne et dans la vallée de la Loire, puis progressivement dans le Nord-Est du pays. Dans le scénario le plus pessimiste, les départements des Côtes-d’Armor, de l’Indre et des Ardennes verraient près de 1 % de leur parc immobilier menacé par les crues. Cette exposition plus marquée s’explique par la présence de nombreux cours d’eau et vallées encaissées – la Meuse dans les Ardennes, les affluents de la Loire dans l’Indre, ou encore les fleuves côtiers en Côtes-d’Armor – qui rendent ces territoires plus sensibles aux crues.
Pour les crues, les mesures techniques consistent par exemple à surélever les équipements sensibles, à créer des bassins d’orage ou à utiliser des matériaux adaptés à l’eau. Les solutions fondées sur la nature consistent par exemple à restaurer des zones humides ou à redonner de l’espace aux rivières pour qu’elles puissent déborder dans leurs plaines naturelles, ce qui permet d’absorber une partie des crues. Enfin, sur le plan organisationnel, des plans de continuité d’activité, des consignes d’évacuation et l'entretien régulier des systèmes d’évacuation des eaux permettent de réduire les impacts potentiels.
La submersion marine correspond aux inondations côtières, provoquées à la fois par la montée du niveau des mers et par les tempêtes. Ce risque combine des facteurs globaux – liés au changement climatique, comme l’élévation du niveau de la mer – avec des facteurs locaux, tels que la géologie, l’aménagement du littoral ou encore la présence de digues et autres défenses côtières. Nous mesurons le risque de submersion marine par la fréquence annuelle des submersions dépassant 10 cm de profondeur d’eau, estimée à partir de modèles de marées et de surcotes, puis ajustée selon l’altitude et la présence de protections côtières.
Pour les bâtiments, les conséquences peuvent être lourdes : submersion des rez-de-chaussée et des sous-sols, corrosion et affaiblissement des fondations sous l’effet de l’eau salée, salinisation des matériaux, infiltrations chroniques et dégradation des installations électriques. Lors de tempêtes, le danger est encore accru : les fortes vagues, combinées à la surcote, accélèrent l’érosion et déstabilisent les constructions proches du littoral.
La dynamique d’exposition est préoccupante. Aujourd’hui, la part des bâtiments concernés reste très faible (0,03 %). Mais dès 2030, et plus encore à l’horizon 2050 et 2080, les chiffres augmentent fortement. Quel que soit le scénario d’émissions retenu – qu’il s’agisse d’une trajectoire durable (SSP1), d’un statu quo (SSP2) ou d’un scénario pessimiste (SSP5) – la tendance reste la même : près de 0,8 % des bâtiments en France pourraient être exposés à la submersion marine, soit plus de 200 000 biens résidentiels, tertiaires ou infrastructures.
Cette relative convergence entre scénarios s’explique par la forte inertie du système océanique : l’élévation du niveau de la mer résulte d’une accumulation de processus déjà enclenchés, tels que la dilatation thermique des océans et la fonte des glaciers. Même en cas de réduction rapide des émissions, ces phénomènes continueront à produire leurs effets pendant plusieurs décennies, entraînant une hausse quasi inévitable du risque de submersion à moyen et long terme.
Historiquement, seule une petite partie du littoral du Nord était réellement concernée par un risque élevé de submersion marine. Mais à l’horizon 2050, l’exposition s’étend nettement, aussi bien dans le scénario SSP2 que dans le scénario SSP5. Les zones les plus touchées se situent d’abord le long des côtes de la Manche et de l’Atlantique – notamment en Normandie, en Bretagne et en Vendée – où l’on retrouve plusieurs agglomérations et villes côtières densément urbanisées, comme Le Havre, Cherbourg, Brest ou Saint-Malo. Dans une moindre mesure, le littoral méditerranéen commence également à montrer les premiers signes d’exposition. Cette évolution s’explique principalement par la montée du niveau de la mer, dont l’intensité n’est pas uniforme selon les régions : elle dépend notamment des courants océaniques, de la dilatation thermique des eaux ou encore des mouvements verticaux des masses continentales.
Face au risque de submersion marine, les mesures techniques consistent à construire ou renforcer des digues et brise-lames, à surélever les bâtiments critiques ou encore à prévoir des systèmes de pompage adaptés. Les solutions fondées sur la nature offrent également une protection précieuse, qu’il s’agisse de préserver les dunes, de restaurer les zones humides littorales ou de développer des végétations côtières capables d’atténuer l’énergie des vagues. Enfin, sur le plan organisationnel, la préparation des plans d’évacuation, la mise en place de systèmes d’alerte et la sensibilisation des populations constituent des leviers importants.
Les vents se forment généralement à la suite d’une chute de pression entre une zone de haute pression et une zone de basse pression. Plus cette différence de pression est importante, plus le vent est fort, sachant que les contrastes de température et l’humidité fournissent de l’énergie supplémentaire, en particulier lors d’intempéries ou de tempêtes tropicales. Étant donné que l’air plus chaud contient plus d’énergie et d’humidité, le changement climatique peut en principe entraîner des tempêtes plus violentes. Parallèlement, les pôles se réchauffent plus rapidement que les régions tropicales. Les contrastes de température – et donc la chute de pression – s’en trouvent réduits, avec pour conséquence possible une diminution de la force des vents dans certaines régions. De ce fait, les systèmes de circulation à grande échelle se modifient, ce qui rend les prévisions régionales sur l’évolution future des vitesses de vent très complexes et incertaines. De plus, les conditions locales peuvent varier considérablement, notamment en ce qui concerne les structures montagneuses (par exemple le fœhn). La rugosité de la surface joue également un rôle : dans les zones urbaines, la surface est plus irrégulière, ce qui ralentit le vent. En revanche, aux endroits où les forêts ont été déboisées, il n’y a plus de protection naturelle contre le vent, ce qui laisse les rafales atteindre librement la surface de la terre.
Le risque de tempête est mesuré par la vitesse maximale du vent lors d’une tempête extratropicale d’occurrence centennale, exprimée comme une rafale de trois secondes à 10 mètres de hauteur.
Les tempêtes peuvent balayer les toits, endommager les façades et détruire les fenêtres ou les portes en projetant des objets. Les chutes de branches ou d’arbres constituent également un danger important pour les bâtiments. Les vents violents peuvent en outre détacher des échafaudages ou des éléments de construction mal fixés, mettant ainsi en danger les personnes et la structure des bâtiments.
Quelque 30 % des bâtiments du pays étaient exposés à un risque de tempête élevé ou très élevé entre 1986 et 2014. Il reste difficile de prédire l’évolution du risque de tempête, car les modèles climatiques fournissent des résultats parfois contradictoires selon les scénarios et l’horizon considéré. Dans un scénario de baisse marquée des émissions (SSP1) comme dans le scénario le plus pessimiste (SSP5), le risque diminuerait sensiblement d’ici 2050, avant de repartir à la hausse par la suite – de façon marquée dans le cas du SSP5. De plus, le scénario SSP1 anticipe une augmentation de la couverture forestière, ce qui contribuerait à limiter les vents violents. À l’inverse, dans le scénario intermédiaire (SSP2), les vitesses de vent progresseraient déjà dès 2050, et plus de 60 % des bâtiments pourraient être exposés à un risque élevé ou très élevé à l’horizon 2080. Dans ce scénario, les contrastes de pression atmosphérique demeurent forts et, associés à la baisse de la couverture forestière et au réchauffement, favorisent la formation de tempêtes plus intenses.
Historiquement, c’est la Bretagne qui apparaît comme la région la plus touchée, avec plus de 90 % des bâtiments exposés dans les Côtes-d’Armor, le Finistère et le Morbihan. Cette situation s’explique par la localisation côtière, où la friction de l’air est moindre au-dessus de l’océan, favorisant des vitesses de vent plus élevées. À l’horizon 2050, les zones exposées s’étendent largement vers l’intérieur du pays, avec une vulnérabilité accrue dans le Centre, le Nord-Est et le long du littoral atlantique. Dans le scénario intermédiaire (SSP2) – celui où les vitesses de vent seraient globalement les plus élevées – les départements alpins comme la Savoie et les Hautes-Alpes, ainsi que la Corse, compteraient également près de 30 % de leur parc immobilier exposé au risque de tempête. Ces prévisions restent toutefois incertaines, car les processus complexes impliqués dans la formation des tempêtes rendent difficile l’établissement de prévisions claires.
Pour réduire la vulnérabilité face aux tempêtes, plusieurs leviers peuvent être mobilisés. Sur le plan technique, il s’agit notamment de renforcer les toitures et les façades, d’ancrer solidement les structures légères et de sécuriser ou d’enterrer les réseaux électriques. La végétation peut également jouer un rôle protecteur en limitant la force du vent, par exemple à travers des haies ou des zones forestières situées à distance des habitations. En revanche, la proximité immédiate d’arbres ou de grands végétaux peut accroître le risque de dommages liés à la chute de branches ou de troncs.
Les glissements de terrain se produisent lorsque des masses de sol, de roches ou de débris se déplacent le long d’une pente sous l’effet de la gravité. Ils sont souvent déclenchés par de fortes pluies qui saturent les sols, ou par la fonte rapide des neiges. Le risque est évalué par la probabilité qu’un épisode de précipitations d’intensité biennale (c’est-à-dire susceptible de se produire une fois tous les deux ans) déclenche un glissement de terrain, quelle qu’en soit la taille. Cet indicateur combine l’intensité des précipitations et la pente du terrain, et s’exprime sous forme de probabilité.
Pour les bâtiments, les conséquences peuvent être graves : enfouissement partiel ou total, fissures dans les murs, fondations déstabilisées, routes et accès bloqués, sans compter les dommages possibles aux réseaux enterrés (eau, gaz, électricité) qui peuvent entraîner des accidents secondaires.
À l’échelle nationale, la part de bâtiments exposés reste faible, mais la tendance est clairement à la hausse. Dans le scénario SSP5, près de 0,7 % des bâtiments pourraient être concernés d’ici 2080. Ce chiffre peut sembler limité, mais il représente tout de même plusieurs dizaines de milliers de biens immobiliers, et l’augmentation est directement liée à la hausse prévue des épisodes de fortes précipitations.
Le risque de glissement de terrain concernait principalement le Sud-Est de la France dans la période de référence – en particulier la Savoie et les Alpes-Maritimes, où plus de 2 % des bâtiments étaient exposés. À l’horizon 2050, le scénario SSP2 intensifie et élargit ce risque. Dans ces deux départements, plus de 5 % du parc immobilier pourraient alors être menacés, tandis que de nombreux autres territoires de l’Est de la France, mais aussi des Pyrénées, verraient leur exposition croître sensiblement. Ces résultats confirment que les glissements de terrain constituent un risque avant tout régional, mais qui peut atteindre une intensité importante là où reliefs marqués et fortes précipitations se combinent.
Pour limiter les glissements de terrain, on peut renforcer les fondations et les structures ou installer des dispositifs de drainage pour évacuer l’eau. Les solutions fondées sur la nature reposent sur la végétalisation des pentes et l’aménagement de talus afin de stabiliser les sols. Enfin, la surveillance des zones sensibles, la restriction des constructions et la formation des habitants renforcent la prévention.
Les gaz à effet de serre comme le CO₂ et le méthane laissent certes passer librement le rayonnement solaire jusqu’à la surface de la Terre, mais ils bloquent une partie du rayonnement thermique que la Terre tente d’émettre dans l’espace. L’atmosphère et la surface terrestre se réchauffent ainsi continuellement (effet de serre). Par ailleurs, des changements dans la dynamique de l’atmosphère entraînent une augmentation de la fréquence des longues périodes de canicule, ce qui se traduit par des jours de chaleur plus nombreux et plus intenses.
Dans le cadre de cette étude, l’indicateur retenu n’évalue pas directement les vagues de chaleur, mais le stress thermique. Il s’agit du maximum annuel de l’indice de chaleur, tel que défini par la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), qui combine température et humidité et reflète le niveau de chaleur ressenti le plus extrême chaque année.
Lorsque les températures augmentent, la dilatation et l’usure des matériaux peuvent s’intensifier, ce qui affecte la structure du bâtiment. La chaleur nuit également à l’efficacité des systèmes de refroidissement et de ventilation et entraîne une hausse de la consommation d’énergie. Les espaces intérieurs trop chauds réduisent en outre la qualité de vie et peuvent nuire à la santé des utilisateurs. À long terme, cela peut faire baisser la demande pour les biens immobiliers concernés ou nécessiter de coûteux travaux de rénovation.
Moins spectaculaire dans ses effets immédiats, mais tout aussi préoccupant, le risque de canicule est celui qui pourrait toucher le plus grand nombre de bâtiments d’ici la fin du siècle. À la période de référence, il était pratiquement inexistant en France. Mais dès 2050, le scénario SSP2 montre déjà 40 % de bâtiments exposés. Dans le scénario le plus défavorable (SSP5), c’est pratiquement tout le parc immobilier qui serait concerné à l’horizon 2080, avec près de 95 % des bâtiments exposés à un degré élevé ou très élevé. Même dans une trajectoire de réduction ambitieuse des émissions (SSP1), près de 40 % des bâtiments resteraient exposés en 2080.
Sur le plan régional, l’exposition à l’horizon 2050 est particulièrement marquée dans les zones de basse altitude et au cœur du pays, tandis que les façades atlantiques du nord-ouest sont relativement épargnées par l’effet de l’océan. Certaines grandes agglomérations, comme Paris ou Toulouse, se situent dans des régions fortement vulnérables et connaissent un risque local encore accru par le phénomène d’îlot de chaleur urbain. Ces dynamiques confirment que les canicules représentent l’un des risques climatiques les plus transversaux et les plus certains, avec des impacts non seulement sur le bâti, mais aussi sur la santé publique et l’économie.
Face aux canicules, les réponses techniques privilégient une conception bioclimatique : isolation optimisée, protections solaires adaptées et recours à des solutions de rafraîchissement passif. Les solutions fondées sur la nature constituent également des leviers puissants : plantation d’arbres, végétalisation des toitures et façades, ou création d’espaces verts permettant de réduire l’effet d’îlot de chaleur urbain. Enfin, sur le plan organisationnel, l’adaptation des horaires de travail, la mise en place de plans pour protéger les personnes fragiles et le déploiement de systèmes d’alerte en période de forte chaleur contribuent à renforcer la résilience des territoires.
Le parc immobilier français est de plus en plus exposé aux aléas climatiques. Des événements tels que de fortes intempéries, des inondations, des feux de forêt ou des vagues de chaleur causent déjà des dommages considérables. Les projections montrent que ces menaces vont s’intensifier dans les prochaines décennies : d’ici 2080, les tempêtes et les canicules pourraient concerner respectivement plus de la moitié et jusqu’à 95% des bâtiments en France. Les pluies intenses et les risques localisés – crues, glissements de terrain ou submersions marines – toucheront une proportion plus réduite du parc, mais peuvent se révéler extrêmement destructeurs à l’échelle des territoires concernés.
L’intensité future de ces risques dépend largement de notre trajectoire collective. Les scénarios climatiques montrent clairement que les trajectoires à fortes émissions – comme le SSP5-8.5 – entraînent des conséquences bien plus graves que les trajectoires durables, telles que le SSP1-2.6. Autrement dit, nos choix actuels en matière d’énergie, de construction, de mobilité et de consommation conditionnent directement l’exposition future de nos bâtiments aux aléas climatiques.
Ces enjeux ne relèvent plus seulement de la préoccupation des climatologues : ils s’inscrivent désormais au cœur des cadres réglementaires. La Taxonomie européenne impose à l’ensemble des acteurs de l’immobilier – investisseurs, promoteurs, gestionnaires et banques – d’intégrer l’adaptation au changement climatique dans leurs pratiques. Cela implique d’identifier les aléas majeurs, d’évaluer la vulnérabilité des actifs sur le long terme (selon les différents scénarios du GIEC), et de prévoir des solutions d’adaptation dès la conception et tout au long du cycle de vie des bâtiments.
Dans le même esprit, la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) sur le reporting de durabilité introduit le principe de la double matérialité : les entreprises doivent analyser à la fois l’impact du climat sur leur activité et l’impact de leur activité sur le climat. Avec les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards), elles sont désormais tenues de publier des informations détaillées sur leurs risques climatiques, de réaliser des analyses de scénarios, de définir des plans de transition alignés sur l’Accord de Paris et de se soumettre à des audits externes.
En clair, le climat n’est plus une option dans la gestion immobilière : c’est une nécessité stratégique. Les risques climatiques peuvent entraîner des pertes de valeur significatives pour les actifs, mais ils représentent aussi une opportunité de transformation. Adapter le parc immobilier aux aléas de demain, tout en réduisant ses émissions – qui représentent aujourd’hui environ 16 % des émissions nationales – est à la fois une condition de résilience économique et une contribution indispensable à la lutte contre le changement climatique.
Caisse Centrale de Réassurance, CLIMADA Technologies, ERA5 (Copernicus), Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), Prognos, Base de Données Nationale des Bâtiments (BDNB), Wüest Partner